mercredi 7 février 2007.
Parce qu’on ne discute pas assez, ensemble, de la PESD, sur la montée en puissance de celle-ci, sur le corps de doctrine d’emploi, des règles d’engagement etc...
Vous avez, depuis hier matin, avec des personnalités hautement compétentes, examiné des questions particulièrement pertinentes et importantes, par exemple :
les défis politiques à relever pour la PESD :
le partenariat stratégique entre l’OTAN et l’Union européenne après Riga ;
les développements politiques ;
les développements opérationnels ;
les enseignements à tirer de certaines opérations
ou encore l’acquisition des capacités.
Reste une question de fond, de principe qui vient naturellement à l’esprit et qui doit être réglée. C’est le contrôle démocratique, terme que je préfère à contrôle parlementaire, car il me paraît plus large et plus fort.
Trois questions : pourquoi ? Comment et quand ?
Rappelons tout d’abord que si la construction européenne traverse une passe difficile, il est réconfortant de constater que l’Europe de la défense, quant à elle, continue de progresser. L’Union s’est dotée d’une doctrine, elle s’est dotée de structures, et les développements de la politique européenne de sécurité et de défense ont été assez rapides, en quelques années, pour que l’Union mène avec succès ses premières opérations sur le terrain, que ce soit en Europe ou hors d’Europe. C’est un jalon essentiel qui se trouve ainsi posé pour une présence internationale plus forte de l’Europe. L’Union commence à être perçue comme un acteur.
Toutefois, ces progrès doivent s’accompagner d’un renforcement du contrôle démocratique. Soyons clair. Il ne s’agit pas de contrôle-sanction à la manière des commissions d’enquête parlementaires. Il ne s’agit pas non plus de contrôle sur l’aspect opérationnel d’une mission. Il s’agit de mettre plus de transparence, d’instaurer un dialogue entre les parlements nationaux avec les responsables de la PESD comme le font - ou ne le font pas - dans chacun de nos pays les parlements nationaux.
Plus de capacité de décision et d’action, cela doit entraîner plus de contrôle démocratique. On ne peut avancer dans un domaine aussi sensible que la défense sans une légitimité démocratique complète. Or, je constate que les conditions n’en sont pas aujourd’hui pleinement réunies. La situation n’est pas complètement satisfaisante.
Vous pouvez m’objecter qu’un contrôle s’exerce certes à l’échelon de chaque pays, lorsque le parlement national est amené à se prononcer sur la participation à telle ou telle opération, ou lorsque le Gouvernement rend des comptes. Mais ce contrôle national ne peut suffire. Il faut lui ajouter une dimension européenne : comment des parlements nationaux agissant séparément, chacun dans leur pays, pourraient ils contrôler de manière pleinement satisfaisante l’action collective des gouvernements au sein de l’Union ? Pour être complet, pour être adapté, le contrôle parlementaire sur les opérations de défense européenne doit pouvoir aussi s’effectuer à l’échelon européen.
Or, nous sommes ici dans un domaine où le Parlement européen n’a guère de légitimité pour intervenir. Je n’ai pas une position extrême, je ne dis pas que le Parlement européen ne doit jouer aucun rôle. Dans les faits, le Parlement européen avance, impose son contrôle tandis que souvent les parlements nationaux restent à l’écart voire même sont tenus à l’écart. Mais, dans le domaine de la défense, les décisions essentielles relèvent des gouvernements des États membres concernés, et le Parlement européen n’est pas en mesure, n’a pas la légitimité pour contrôler les gouvernements nationaux. De plus, ce sont les parlements nationaux qui votent les budgets de défense et qui autorisent, le cas échéant, l’engagement des forces dans un conflit. C’est donc avant tout sur les parlements nationaux que doit reposer le contrôle. Soyez réalistes, ce n’est pas demain que les Etats membres de l’Union européenne vont communautariser la PESD. La défense est au coeur de la souveraineté de chacun de nos pays.
Il faut bien constater que toutes les structures de la politique européenne de sécurité et de défense sont implantées du côté du Conseil des ministres, même si la Commission apporte des compléments utiles. De même, le financement des actions repose sur des contributions nationales, dès qu’il y a une dimension militaire. On voit bien que les schémas habituels de fonctionnement de l’Union ne peuvent pas s’appliquer.
C’est pourquoi le contrôle interparlementaire qu’assure l’Assemblée de l’UEO est actuellement irremplaçable. Mais cette solution, vous le savez tous, est fragile, puisque le traité de l’UEO, depuis 2004, peut être dénoncé à tout moment. Le statut de l’assemblée de l’UEO ne la rattache pas directement à l’Union européenne, qui a pourtant repris à son compte tous les aspects opérationnels de l’UEO. Par ailleurs, tous les pays membres de l’Union ne sont pas membres à part entière de l’UEO.
L’Assemblée de l’UEO est un point de départ, elle est aujourd’hui indispensable, mais il faut parvenir à une solution qui donne une base plus solide au contrôle interparlementaire. En même temps, il faut préserver les acquis de l’Assemblée de l’UEO. L’Assemblée de l’UEO fait un travail de grande qualité, elle dispose d’un minimum de moyens, d’une expertise, elle a des habitudes de travail dans la continuité, une tradition de dialogue avec le Conseil. Tout cela doit être préservé. Comment faire ?
Le problème a été évoqué au sein de la Convention sur l’avenir de l’Europe, évoqué mais non résolu. Ne cherchons donc pas la solution dans le traité constitutionnel. Il aurait fallu un débat approfondi sur cette question, et ce débat n’a pas eu lieu. De ce fait, l’apport du traité constitutionnel est très modeste. Il se limite à une disposition du protocole sur les parlements nationaux. Cette disposition concerne la COSAC. Elle précise que la COSAC « peut également organiser des conférences interparlementaires sur des thèmes particuliers, notamment pour débattre des questions de politique étrangère et de sécurité commune, y compris la politique de sécurité et de défense commune ».
Cette solution est manifestement insuffisante. Elle l’était, elle l’est plus encore aujourd’hui : des conférences interparlementaires ponctuelles ne peuvent absolument pas répondre au besoin d’un contrôle démocratique effectif de la PESD.
En revanche, je crois que l’idée d’intégrer la COSAC dans la réflexion sur l’avenir du contrôle de la politique européenne de défense est une idée intéressante. La COSAC, aujourd’hui, a seulement pour vocation de réunir les commissions européennes des parlements nationaux. Mais elle a le mérite, depuis le traité d’Amsterdam, d’avoir une base dans le droit primaire de l’Union. Par ailleurs, un principe de base de la COSAC est que tous les pays membres sont représentés à égalité, ce qui est bien adapté au contrôle de la politique de défense. Le Parlement européen, quant à lui, est représenté par six de ses membres, comme le sont chacun des parlements nationaux. Il peut ainsi participer aux travaux.
Je crois donc que nous devrions réfléchir à un rapprochement entre l’Assemblée de l’UEO et la COSAC, afin d’avoir à terme une instance unique.
Cette instance reprendrait les attributions et les moyens de l’Assemblée de l’UEO, et plus généralement ce que j’appellerais l’acquis de l’Assemblée de l’UEO. Elle serait composée de parlementaires spécialisés lorsqu’elle traiterait des questions de sécurité et de défense. Elle entretiendrait un dialogue régulier avec le Conseil et avec le Haut représentant. Elle conserverait, également, les attributions actuelles de la COSAC et le principe de l’égalité entre pays membres.
Ainsi se mettrait en place une instance unique pour l’association des parlements nationaux, identifiable par les citoyens, dotée d’une base dans les traités ; et la composition de cette instance s’adapterait selon les sujets abordés.
Les parlements nationaux disposeraient d’un instrument approprié pour leur rôle collectif. Et ce but serait atteint sans créer un nouvel organe, mais au contraire en remplaçant deux organes existants par un seul.
Disons le : nous ne parviendrons pas à avancer vraiment dans les aspects les plus politiques de la construction européenne si nous ne parvenons pas à associer mieux et plus efficacement les parlements nationaux. Comment espérer progresser dans des domaines comme la sécurité et la défense sans s’appuyer sur les parlements nationaux qui représentent les peuples ?
Pour s’approfondir, la construction européenne doit élargir sa légitimité. Le Parlement européen et les parlements nationaux doivent se compléter ; ils doivent conjuguer leurs contrôles. L’Europe a besoin de toutes les légitimités. L’association des parlements nationaux est une question incontournable pour le développement de l’Europe de la défense.
Monsieur le Président, mes chers Collègues, Mesdames et Messieurs, si je vous ai convaincu de la nécessité de consolider et développer le contrôle démocratique de la PESD, en disant pourquoi et en esquissant comment, reste à répondre à la question : quand ? Je crois que le plus tôt sera le mieux. Toutes les opportunités doivent être saisies pour aboutir dans les meilleurs délais.C’est pourquoi je me permets de souhaiter qu’il sorte de votre réunion un message clair, à la fois ambitieux et déterminé.