lundi 19 novembre 2007

Fiscalité horizon 2020

Par Guilhem

Je propose de traiter de la fiscalité européenne à l’horizon 2014 et plus précisément de l’évolution des ressources propres de l’UE à travers l’angle suivant : se dirige-t-on vers un impôt européen ?
Le rapport d'initiative du parlementaire européen Alain Lamassoure, adopté le 29 mars par le Parlement comporte des éléments de réponse. En voici une synthèse :

La commission des budgets du Parlement propose une réforme du système des ressources propres qui veillerait avant tout à assurer l'égalité entre les Etats membres. Une deuxième phase verrait ensuite le jour à partir de 2014 sur la base de prélèvements à déterminer qui ne seraient toutefois pas un véritable "impôt européen".

A quelques mois de la publication par la Commission européenne de premières propositions pour la révision du budget, les députés ont exprimé fin mars leurs idées pour le volet "recettes" par l'entremise d’un rapport d'initiative d’Alain Lamassoure (PPE-DE). Prévue pour 2008-2009, la révision du budget portera tant sur les recettes que sur les dépenses. Les députés estiment que le système actuel est complexe, totalement incompréhensible pour les citoyens et manque de transparence, d'où la nécessité de la réforme.

Lors de la première phase, le système transitoire serait fondé sur la ressource RNB (revenu national brut). Cette ressource, moins visible pour le citoyen, est toutefois plus équitable dans la mesure où elle lie les contributions au niveau de prospérité général. Le rabais britannique serait supprimé d'ici à 2013. Le Royaume-Uni, par le biais de la suppression de la ressource TVA, "tirerait parti" de la disparition de son rabais. Quant à la politique agricole commune (qui fera l’objet d’un article dans notre dossier horizon 2020), il conviendrait d'instaurer un processus de cofinancement obligatoire (par les Etats membres au niveau national) des dépenses agricoles, dans les 15 "anciens pays".

Les députés sont conscients qu'une telle issue n'est envisageable que dans le cadre d'un accord global couvrant également les dépenses.
Une série de principes gouverneraient le système lors de cette première phase. Parmi ceux-ci, l'égalité entre les États membres devrait assurer l'absence de tout privilège budgétaire pour l'un quelconque des États membres. De même, un principe de "solidarité et dignité égale" ferait en sorte que marchandages et privilèges seraient désormais éliminés.
Cette première phase pourrait entrer en vigueur dès que l'accord est ratifié, tout en garantissant la nature transitoire du système, qui resterait en vigueur jusqu'à la création d'une véritable ressource propre.

Le nouveau système ne conférera en aucun cas le droit à l'Union européenne de prélever des impôts ou des taxes. La souveraineté fiscale doit demeurer du ressort des États membres qui pourraient toutefois autoriser l'Union, pour une période limitée et révocable à tout instant, à bénéficier directement d'une certaine proportion des prélèvements fiscaux, comme c'est le cas dans la plupart des États membres vis-à-vis de leurs collectivités régionales ou locales.
Le nouveau système "ne doit pas alourdir les dépenses publiques ni la charge fiscale qui pèse sur les citoyens". Si le nouveau système engendre l'allocation en tout ou en partie d'une ressource fiscale par les Etats membres au bénéfice de l'UE, une réduction équivalente doit être consentie "ailleurs".

Les députés proposent que ce système soit mis en œuvre en 2014, avec une "période de transition" afin de garantir une "élimination sans heurts de l'ancien système".
Dans ce cas également, une série de principes sous-tenderaient la nouvelle ressource propre, avec la volonté annoncée de "redonner vie à la lettre et à l'esprit des traités fondateurs": respect de la souveraineté fiscale des États membres, neutralité fiscale, ordre de grandeur du budget de l'UE inchangé, etc.

Le projet de rapport précise que l'heure d'un nouvel impôt européen pourrait ne pas avoir sonné dans l'immédiat, les Etats membres pourraient cependant décider d'allouer l'UE un tel impôt à l'avenir.
En revanche, le nouveau système de ressources propres devrait reposer sur un impôt déjà en vigueur dans les États membres, à savoir qu'un certain pourcentage d'un impôt existant alimenterait directement le budget de l'UE en tant que véritable ressource propre, créant ainsi un lien direct entre l'Union et les contribuables européens.

Parmi les sources fiscales envisagées, le projet de rapport envisage les "pistes" suivantes:
- TVA,
- accises sur le carburant destiné aux transports et à d'autres taxes sur l'énergie,
- accises sur le tabac et l'alcool
- impôt sur les bénéfices des entreprises.
Lors des débats au sein du PE, d'autres ressources fiscales ont été identifiées, telles que des taxes sur les opérations en bourse, sur les transactions financières (taxe Tobin), sur l'épargne, etc.

Provenance et bases juridiques des ressources propres actuelles :

Les ressources propres traditionnelles (RPT) sont considérées comme des ressources propres « par nature », car il s'agit des recettes perçues dans le cadre des politiques communautaires, et non des recettes provenant des États membres calculées comme des contributions nationales. Les ressources propres actuelles proviennent des droits de douane, des droits agricoles, des cotisations sucre, d'un taux prélevé sur l'assiette harmonisée de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) et d'un taux prélevé sur le revenue national brut (RNB).

  • Droits de douane. Les droits de douane sont perçus aux frontières extérieures sur les importations. Le tarif douanier est devenu commun en 1968, deux ans plus tôt que prévu initialement. Les droits de douane avaient été inscrits dans le traité de Rome en tant que la ressource à attribuer en premier à la Communauté économique européenne (CEE) pour le financement des dépenses. Les droits de douane de la Communauté européenne du charbon et de l'acier (CECA) sont intégrés à cette ressource depuis 1988.
  • Ressources d'origine agricole. Les plus importantes dans cette catégorie sont les droits agricoles qui s'appelaient à l'origine prélèvements agricoles. Ils furent instaurés en 1962 et transférés à la Communauté par la décision du 21 avril 1970. À l'origine il s'agissait de taxes qui variaient en fonction des prix du marché mondial et du marché européen. Après la transposition des accords multilatéraux en matière de commerce (Uruguay Round, avril 1994) en droit communautaire il n'y a plus de différence entre les droits agricoles et les droits de douane. Les droits agricoles sont simplement des droits d'importation prélevés sur les produits agricoles importés des États tiers. À ces taxes s'ajoutent les cotisations sur la production de sucre, d'isoglucose et de sirop d'inuline. Ces cotisations sont perçues sur les producteurs de sucre à l'intérieur de la Communauté, contrairement aux taxes sur les importations agricoles. L'actuelle décision sur les ressources propres de 2000 accorde aux États membres 25% du montant des ressources propres traditionnelles perçues à titre des frais de perception.
  • Taxe sur la valeur ajoutée (TVA). Les ressources TVA ont été créées par la décision du 21 avril 1970, car les ressources propres traditionnelles n'auraient pas été suffisantes pour le financement du budget communautaire. Suite à des délais supplémentaires liés à la nécessité d'assurer son harmonisation, cette ressource complexe n'a été appliquée pour la première fois qu'en 1980. Elle est produite d'un taux appliqué à une assiette déterminée d'une manière uniforme. De 1988 à 1994, l'assiette était écrêtée à 55% du produit national brut (PNB) des États membres. À partir de 1995, elle ne pouvait pas dépasser 50% du PNB pour les États membres dont le PNB par habitant est inférieur à 90% de la moyenne communautaire. Cet écrêtement a été étendu progressivement entre 1995 et 1999 et s'applique désormais à l'ensemble des États membres. La décision de 1970 a limité le taux d'appel maximal TVA à 1% d'une assiette déterminée. La deuxième décision sur les ressources propres du 7 mai 1985 a augmenté le taux à 1,4% à partir du 1er janvier 1986, coïncidant avec l'élargissement ibérique. Cette augmentation devait financer les coûts d'élargissement. La quatrième décision sur les ressources propres du 31 octobre 1994 a pourtant organisé le retour progressif de la limite à 1% entre 1995 et 1999 surtout pour raison d'équité. Finalement, la décision de 2000 sur les ressources propres, actuellement en vigueur, a ramené le taux d'appel maximal à son niveau actuel de 0,5% de l'assiette TVA harmonisée et écrêtée.
  • Revenu national brut (RNB). Le Conseil a décidé en 1988 de la création d'une quatrième ressource propre basée à l'époque sur le produit national brut ( PNB ), qui devait remplacer la TVA en tant que ressource d'équilibre du budget. Cette même décision du 24 juin 1988 a établi une fixation du plafond des ressources propres dans son ensemble à un pourcentage du PNB, qui en 1988 était 1,14% et en 1999 1,27%. L'actuelle décision des ressources propres étend l'application du Système Européen de Comptes nationaux de 1995 (SEC 95) [ PDF ] au domaine du budget de l'UE. Dans le SEC 95, la notion de produit national brut (PNB) a été remplacée par celle de revenu national brut (RNB). Dans la nouvelle décision, le PNB est donc remplacé par le RNB aux fins des ressources propres. Toutefois, afin de maintenir inchangé le montant des ressources financières mises à la disposition des Communautés, le plafond des ressources propres en tant que pourcentage du RNB de l'UE a été adapté. Le nouveau plafond équivaut à 1,24 % du RNB de l'UE. La ressource RNB est obtenue par application d'un taux à fixer chaque année dans le cadre de la procédure budgétaire à une assiette représentant la somme des revenus nationaux bruts au prix du marché. La ressource est calculée par différence entre les dépenses et la somme des toutes les autres ressources budgétaires. Il s'agit d'une ressource « clé », car non seulement elle finance la majeure partie du budget, mais elle détermine également l'écrêtement de l'assiette TVA, la répartition du financement de la compensation britannique et le plafonnement du montant global des ressources que la Communauté peut percevoir. Les ressources propres sont mises à disposition de l'Union mensuellement par les États membres au crédit d'un compte « ressources propres » ouvert par la Commission, normalement auprès de la banque centrale nationale. Les ressources propres traditionnelles sont inscrites tous les mois au fur et à mesure qu'elles sont perçues. Dans le cas des ressources TVA et RNB, elles sont mises à disposition de la Commission le premier jour ouvrable de chaque mois, à raison du douzième de leur montant prévisionnel figurant au budget communautaire. Pour les besoins spécifiques au paiement des dépenses agricoles, les États membres peuvent, toutefois, être invités par la Commission à anticiper d'un ou de deux mois au cours du premier trimestre l'inscription des sommes prévues au titre des ressources de la TVA et/ou RNB.

Autres recettes : Le budget n'est pas entièrement financé par les ressources propres, mais il l'est également par les impôts et les prélèvements opérés sur les revenus du personnel, des intérêts bancaires, des contributions des pays tiers à certains programmes communautaires (par exemple, dans le domaine de la recherche), des remboursements d'aides communautaires non utilisées, des intérêts de retard, ainsi que le solde de l'exercice précédent.

L'exception britannique : Le Conseil de Fontainebleau a décidé en 1984 d'introduire la compensation britannique. Ce mécanisme donne une compensation au Royaume-Uni équivalente à 0,66% de son solde net négatif. Le financement de la compensation au Royaume-Uni est réparti entre les autres États membres en proportion de leur part dans le RNB, à l'exception de l'Allemagne, l'Autriche, les Pays-Bas et la Suède qui voient leur part réduite de trois quarts. Cette charge est redistribuée entre les vingt-deux autres États membres.

Révision : Les chefs d’Etat et de gouvernement se sont mis d’accord les 15 et 16 décembre 2005 sur une dépense globale pour 2007-2013 de 862,4 milliards d’euros, soit 1,045% du PIB communautaire. Cet accord était assorti d’une clause de révision globale du budget de l’Europe. La Commission européenne est en effet chargée de revoir "tous les aspects du budget à compter de 2008, sans tabous".

SOURCES :
Alain Lamassoure
, auteur du rapport d’initiative sur la révision du budget.

Jean-Yves Loog, service de presse du Parlement concernant la commission de budgets, dont le président est Reimer Böge.

Ministère de l'Economie et des finances

Dalia, Grybauskaité, Commissaire à la programmation financière et au budget

Pierre Defraigne, directeur d’EUR-Ifri

Agnès Bénassy-Quéré, directrice du CEPII

Jean-Paul Tran Thiet, de l’Institut Montaigne, président du groupe de travail auteur d’un rapport en octobre 2003 intitulé « Vers un impôt européen ? »

Jacques Le Cacheux, professeur d'économie à l'Université de Pau et directeur du département des études de l'OFCE. Il a présenté une réflexion sur le financement du budget de l'UE faisant intervenir de véritables ressources propres. Dans un article d'avril 2007 rédigé pour le think tank Notre Europe, J. Le Cacheux argumente en faveur de la mise en place d'une TVA européenne, de droits d'accise ou d'une éco-taxe. Il examine notamment la viabilité d'une taxe sur le revenu des sociétés - intéressant particulièrement le marché unique européen.

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